J’aime résoudre des problèmes d’échecs en ligne. Mes modestes compétences me permettent d’atteindre un niveau de difficulté 1800. Mais chose surprenante, à chaque fois que l’un de mes garçons me rejoint pour résoudre des problèmes avec moi (mes enfants de 8 et 10 ans sont tous les deux classés aux environs de 1200), nous atteignons le niveau 1900. Dès que je me retrouve seul, mon niveau redescend à 1800. C’est répétable. C’est même systématique.
On évoque souvent le QI ou quotient intellectuel pour prédire statistiquement la réussite d’une personne face à une tâche mentale. Quand on raisonne à l’échelle d’un binôme, d’une équipe ou d’un groupe, on aura plutôt tendance à parler d’intelligence collective, ou facteur “c”, pour prédire le succès d’un groupe à réaliser une variété de tâches intellectuelles.
De manière surprenante, le facteur “c” dépend très peu des QI individuels.
C’est en 2010 que pour la première fois un groupe de chercheurs a mesuré et mis en évidence l’influence du facteur “c” sur la réussite des groupes.
Ces deux études menées au M.I.T sur 699 personnes (réunies en groupes de 2 à 5 personnes) ont permis de démontrer les principaux facteurs de corrélation de l’intelligence collective :
La “sensibilité sociale” (telle que mesurée par le test “Reading the Mind in the Eyes”)
L’égalité du temps de parole : capacité à intervenir « chacun à son tour »
La proportion de femmes dans le groupe
J’aime interpréter le dernier facteur (la proportion de femmes) comme la notion de diversité dans le groupe, chère à Jurgen Appelo qui en a fait l’un des 5 rouages de l’innovation dans son excellent Management 3.0 (il est aussi probable que dans la culture américaine, les femmes portent une plus grande partie de la “sensibilité sociale”).
En réalité, c’est peut-être Richard Feynman, prix Nobel en 1965 et génial professeur de physique, qui résume le mieux l’intelligence collective quand il expliquait à ses étudiants qu’il “échangerait volontiers 10 points de QI contre un autre point de vue”.
Quand on a réalisé toute l’importance de développer et d’optimiser l’intelligence collective dans une équipe, c’est tout naturellement vers les facilitateurs (scrum masters, coaches, dirigeants, etc.) que se tournent les regards.
Leur mission au quotidien devrait être focalisée sur l’établissement d’un contexte de travail qui permette de libérer tout le potentiel de l’intelligence collective :
Apporter de la diversité dans vos équipes peut prendre du temps, et implique peut-être des changements dans votre culture d’entreprise. Le neurobiologiste Pierre-Marie Lledo (CNRS) explique que “ce qui compte, c’est la diversité des sensibilités sociales, des expertises et des formations” des individus. Or, sans doute souffrons-nous tous du syndrôme du scarabée, qui nous pousse à ne recruter que des gens qui nous ressemblent. Il est pourtant vital, dans l’optique d’optimiser l’intelligence collective, de rechercher la diversité.
Certaines startups pensent que c’est en réunissant tous les meilleurs ingénieurs qu’ils peuvent s’offrir qu’ils vont réussir à constituer leur dream team. Or cette erreur leur est souvent fatale : sans diversité, il n’y a plus que les egos pour marquer la différence. Les meilleurs ingénieurs ne font pas toujours les meilleures équipes !
Il n’y a pas d'intelligence collective sans bienveillance.
Quand mes enfants résolvent des problèmes d’échecs ensemble, leur cote descend généralement de 1200 à 1000 voire même en dessous. A la première erreur du binôme, les reproches fusent : “tu n’aurais jamais dû jouer ça !”, “tu fais n’importe quoi”, “je n’aurais pas dû t’écouter”. Au final, chacun a peur de bouger la moindre pièce sur l’échiquier au risque de décevoir et d’alimenter encore un peu plus le conflit.
C’est pourquoi un environnement bienveillant est vital. Les membres d’une équipe doivent pouvoir exprimer les idées les plus radicales, les plus originales, les plus naïves, les plus différentes, sans avoir peur d’être jugés. C’est très souvent qu’une idée mauvaise inspire une idée géniale. Parce qu’elle permet de voir le problème sous un autre angle, depuis un autre point de vue.
Repensez à l’une de ces réunions durant lesquelles vous avez fait des efforts particuliers pour vous montrer compétent et intelligent à chacune de vos interventions, tout en vous taisant à chaque fois que vous aviez un doute. Vos meilleures idées ne proviennent probablement pas d’une de ces réunions-là.
Toutes les équipes comportent leur lot d’extravertis, d’introvertis, de charismatiques et de timides. Devrait-on pour autant prendre nos décisions en nous basant sur l’opinion de la personne qui a la meilleure élocution ? Ou de la plus charismatique ? Résolument pas !
Le facilitateur de l’équipe doit d’une part permettre un temps de parole équitable, mais il doit aussi recueillir l’opinion de ceux qui ne s’expriment jamais.
Notez que ce rôle est rendu plus difficile si le facilitateur lui-même ne se sent pas valorisé dans un climat de confiance. Il peut ressentir le besoin de se mettre en avant pour asseoir sa légitimité, aux dépens du temps de parole laissé à l’équipe. C’est à son entourage de lui faire confiance, et de porter moins d’importance à ses prises de parole qu’au succès de ses équipes.
C’est au prix de cet équilibre dans l’organisation de l’entreprise que l’intelligence collective pourra atteindre tout son potentiel.
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Merci d’avoir pris le temps de lire.